lundi 3 février 2020

Comment traiter un ou une photographe comme une merde ?


Aujourd’hui, et depuis plusieurs jours suite à une dernière péripétie désagréable, j’ai envie de partager mon expérience, plutôt le côté « dark » du métier de photographe sur mon blog. Je consacrerai un article un autre jour sur les beaux et bons côtés du métier. Oui, dans ce beau métier, parfois on atteint le summum de la bêtise. 


Depuis 2003-2004 que j’ai commencé la photographie, j’en ai vu un peu de toutes les couleurs mais ce n’est sûrement pas terminé… alors voici une sélection de ce que j’ai connu, croisé, subi, mais aussi ce dont j’ai entendu parler chez des collègues, parce que bien sûr, il y a partout – sans en faire une généralité non plus - des gens sans scrupule, malhonnêtes, tordus, pervers, etc… S’ils me lisent, ils se reconnaîtront et tant mieux : si seulement cela pouvait permettre qu’ils cessent leurs agissements, on gagnerait du temps et de la sérénité :-) 

Il y a eu bien sûr toutes les fois où des gens m’ont proposé de faire des photos gratuites en échange de mon nom sur la publication, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dû refuser ou ne pas répondre. Pour ceux qui ne le savent pas, la mention du nom du photographe est obligatoire, c’est la loi. Ceux qui ne le font pas, ils ne respectent pas le photographe et font de la contrefaçon (voir le Code de la Propriété Intellectuelle).

Il y a eu aussi toutes les expositions photos non rémunérées, alors certes, c’est discutable, la rémunération est en fonction de la notoriété mais le retour sur investissement n’est pas évident ni automatique, c’est du temps et de l’argent. Et comme « Tout travail mérite salaire », pourquoi les photographes n’ayant pas ou peu de notoriété ne seraient pas rémunérés pour leurs expositions ?

Après il y a aussi ceux qui t’invitent à exposer, te promettent une rémunération, ou au moins un défraiement, puis disparaissent après l’exposition.

Ensuite il y a ceux qui commandent une séance photo en studio et qui essayent par tous les moyens de ne pas payer ou seulement la moitié mais tout en essayant de récupérer les photos, n’est-ce pas Renée ? Si tu me lis, je te salue et tes photos sont toujours à disposition lorsque tu seras « op » pour régler la somme du shooting.

Après on a aussi le comédien qui fait son book, repart content avec ses photos numériques, puis revient 2 semaines après comme une furie parce qu’il n’est pas content des tirages qu’il a fait faire dans un labo automatique qu’on appelle « mini lab » pour photos amateurs et qui n’a pas forcément le même calibrage, même après avoir été prévenu du risque de faire faire ses tirages en dehors d’une adresse de laboratoire recommandée par les soins du photographe.

On a aussi le mec qui appelle pour faire un shooting de ses armes (si, si, vous lisez bien !).

Ou encore les pervers qui fantasment sur les femmes photographes, et qui vous demandent à être pris, lui, en photo nu et vous habillée en jupe courte avec des talons aiguilles. Ou qui veulent à la fois être dirigés en séance photo par une photographe femme ET vous prendre en photo. Pour peu que le mec veuille être nu et vous en jupe courte, je vous laisse imaginer leur fantasme… sous couvert bien sûr d’une séance photo professionnelle et rémunérée. Je ne vous parlerai pas de l’appel nocturne d’un jeune de 18 ans me proposant ses services « d’escort boy» parce que je suis une femme photographe…  Ni des pervers narcissiques, harceleurs, ni d’une période où je recevais 50 appels par jour d’un numéro non traçable par la Police

La pire demande dans mes souvenirs a été celle-ci : au début le mec demande juste à faire un book photo « nu artistique » et demande les prix. Jusque là tout va bien. Puis au fur et à mesure, en creusant un peu, le mec demande à faire des photos mais uniquement de son trou du cul. Oui, vous avez bien lu, il demandait avec beaucoup de sérieux, que je fasse des portraits de son anus en gros plan. Ce n’était même pas une blague. J’aurais dû lui proposer un « book artistique macro » de son intérieur pour une grosse somme, ça l’aurait peut-être soulagé de son compte en banque :-D 

Dans la série, je veux toutes les photos pour rien, on a aussi ceux qui ne lisent pas ou font semblant de ne pas lire, ni les conditions, ni les propositions de prix en fonction de leur demande et qui essayent de trouver tous les prétextes possibles et imaginables pour essayer de recevoir TOUTES les photos sans rien payer

Dans la série des « pas contents », on a ceux qui demandent des photos supplémentaires quand même alors qu’ils ne sont vraiment pas contents, mais ils vont même aller jusqu’à demander toutes les photos de la prise de vue, même celles qui sont ratées, mais ils ne sont pas contents du résultat et encore moins de la qualité des photos. Si vous trouvez de la cohérence là-dedans, dites-le moi parce que je suis un peu perdue.

Dans la série « Max la menace » et chantage, il y en a aussi qui sont prêts à aller jusqu’à envoyer des lettres recommandées avec AR avec tout un dossier – en fait des mails - pour menacer de poursuite en diffamation pour avoir demandé publiquement le règlement d’une facture mais qui proposent un arrangement pour avoir toutes les photos de reportage, y compris les plus moches, sans rien payer, bien sûr. Si, vous lisez bien. D’ailleurs, si vous vous reconnaissez, je vous remercie de m’avoir donné l’impulsion d’écrire pour mon blog car je ne l’avais pas fait depuis longtemps.

J’ai eu aussi une personne qui m’a demandé un devis, puis qui se réveille 6 mois après, puis qui annule tout juste avant la réservation définitive parce qu’il voulait avoir le maximum pour un prix minimum. Vous me direz, c’est de la négociation. Lorsqu’elle se passe de cette façon, c’est un manque de respect, limite de l’humiliation.

Dans la série associations de défense des droits humains, on a aussi ceux qui sont d’accord pour vous défrayer et qui vous truandent sur le montant du défraiement. Et bien sûr utilisent aussi bénévolement des personnes fragiles qui se sentent flouées et en parlent en privé mais n’ont aucun recours.

Dans la série sous-traitance, on a la grosse boîte qui te prête du matériel d’occasion pour effectuer les commandes multiples, pas révisé et qui te plante en pleine prise de vue au point de te faire abandonner le travail sur place. Puis elle te redonne exactement le même matos. WTF ?

Dans la série « banque d’image », on a les petites banques d’images de presse qui promettent des ventes à 150€ par photo sans préciser le pourcentage de rémunération, qui vendent tes photos 2€ puis disparaissent. Ou encore certaines grosses banques d’images qui vendent tes photos à 0,50€ puis autorisent les acheteurs à les revendre comme bon leur semble. Je ne parle même pas de certains réseaux sociaux qui, du fait d’utiliser gratuitement leur plateforme, dès que tu publies tes photos, leurs conditions stipulent qu’elles leur appartiennent. Une fois publiée, ta photo, ils peuvent en faire ce qu’ils veulent. La vendre dans un autre pays ou l’utiliser sans rien te demander. 

Dans la série "Presse", entre photo sous payée à 2€ par banque d'images pour illustrer un article, une photo non signée avec mention DR, quand il s'agit pas tout simplement d'une photo pompée sur la toile direct sans rien demandé au photographe, mais "pas vu, pas pris" donc les journaux font des économies.

Dans la série « intermédiaires », on a quelques grosses entreprises cotées en bourse qui te contactent pour te faire vendre à très bas prix un énorme volume de séances photos. En clair, ton shooting de 180€, si tu deal avec eux, tu devras le vendre 49€ et il te restera 20€ que tu devras encore déclarer après. « Merci » à l’ubérisation des photographes. Pourquoi pas 1€ pour 8h de travail ?

On a aussi ceux qui savent qu’ils n’ont pas l’argent sur leur compte, et qui font des chèques en bois. Vous me direz, c’est une autre époque, qui utilise des chèques aujourd’hui ? Fini les chèques et les commissions exorbitantes des banques, ou presque, maintenant on court après le virement bancaire. Spéciale dédicace à un collègue qui a bien galéré avec un chèque en bois pour un book complet.

Dans la série violences faites aux femmes, on a aussi malheureusement des collègues femmes photographes qui ont travaillé avec des hommes maltraitants : insultes, harcèlement moral ou harcèlement sexuel pour certaines, violences physiques pour d’autres. On en parle pas ou peu mais cela existe aussi. Une pensée particulière pour une collègue qui a été harcelé et insulté par un collègue puis une autre qui a reçu un coup de poing au visage.

Etre photographe tout court, c’est aussi lutter contre tous les mauvais comportements, manquent de respect, mais en tant que femme, c’est quand même incroyable le nombre de fois où on doit se faire respecter avec force face à des gougeâts aussi bien hommes que femmes. 

Heureusement que ces comportements restent une minorité et que nous connaissons plein d’autres expériences positives, agréables, superbes, émouvantes, dans le respect, parfois l’amitié. J’en profite pour leur dire MERCI <3 et leur faire ici une spéciale dédicace. Comme évoqué plus haut, les bons et beaux côtés du métier de photographe seront abordés dans un autre article de mon blog un autre jour.
Si vous aussi vous avez des expériences en tant que photographes, n’hésitez-pas à les partager en commentaire.

Ajout le 04.02.20 : On me dit dans l'oreillette que mon article rejoint le Rapport Racine du gouvernement paru le 22 janvier 2020. Une fois trouvé ce rapport "sur l’état des mutations que les activités de création ont pu connaître ces trente dernières années", je découvre par exemple :

"En premier lieu, la dégradation de la situation économique et sociale des artistes-auteurs se
traduit par une érosion de leurs revenus, en dépit de l’augmentation générale de la valeur
créée. Peu rémunérateurs en moyenne, les métiers de la création sont affectés d’un fort biais
social, tandis que parmi les artistes-auteurs, les jeunes et les femmes sont particulièrement
exposés aux difficultés socio-économiques. La définition même de l’artiste-auteur professionnel
est entourée d’imprécisions et fait l’objet d’interprétations divergentes, d’où l’aspiration
fréquemment exprimée à un statut. Les artistes-auteurs, dont le temps de travail n’est pas
rémunéré en tant que tel, pâtissent enfin du déséquilibre des relations avec les acteurs de l’aval
(éditeurs, producteurs, diffuseurs, etc). 
D’autres facteurs, plus conjoncturels, expliquent par ailleurs l’aggravation récente du malaise
des artistes-auteurs : l’insuffisante prise en compte des conséquences pour eux de certaines
réformes sociales, les difficultés administratives auxquelles ils se heurtent trop souvent, ainsi
que la perspective de la réforme des retraites, perçue comme une menace pour le système de
sécurité sociale des artistes-auteurs."